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Iode
Rédac' de la Gazette

Iode

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MessageSujet: La Maison Infinie   La Maison Infinie EmptyMar 27 Mai - 17:33

Orphene

Un ovale de lumière pure et chaude, déversant un parfum entêtant de mûres et d’herbe sèche s’ouvrait dans un toit en pente fait de bois d’Arisier jaune ; le temps d’été s’annonçait ardent et long, beaucoup avaient décidé d’aérer les pièces et de laisser entrer les rayons chaleureux ainsi que les arômes subtils qui embaumaient l’espace au dehors.
Orphene inspira longuement par le nez avant d’expirer d’un seul coup par la bouche, gouttant ainsi le parfum sucré de l’atmosphère liquide. Elle s’étira et rit, dévoilant une rangée de dents à l’émail turquoise. Ses bras bruns se tendirent et elle retomba sur son lit rond dont le fin drap moiré avait remplacé depuis longtemps l’épais édredon d’hiver. Ce lit pouvait être rangé facilement en s’accrochant à un ingénieux système de la charpente, poussé par un tube ascensionnel qui se rétractait ensuite. Une grande place pouvait ainsi être aménagée le jour. La pièce faisait office de chambre, la sienne, et de grenier. Sa famille y entreposait des objets rares, ainsi que d’anciens souvenirs telle qu’une perle grosse comme un poing, trouvée par hasard dans un désert de quartz terriblement aride. Orphene n’était pas encore née quand ses parents y étaient allés. Ils avaient, d’après eux, marché durant des jours pour espérer trouver autre chose que du sable, car cela leur avait semblé bien inutile. Finalement ils avaient abandonné et avaient soigneusement refermé la porte derrière eux après avoir fait demi-tour.
La jeune fille se demanda pourquoi tel environnement existait…puis secoua la tête : elle n’avait pas envie de réfléchir. Tout tournait autour d’elle, le plafond, la lumière…c’était si beau et si calme qu’elle fit le souhait que tout reste ainsi pour l’éternité.

Trois mois venaient de passer, la poussière sèche que soulevaient des rafales de vent chaud se collait aux fenêtres et l’air était devenu trop brûlant pour que l'on songe à ouvrir les hublots. Assise sur son lit, la jeune fille rêvait de voyages. Elle savait que son peuple avait été nomade puis qu’il s’était installé définitivement dans ce monde, après avoir ouvert un nombre incalculable de portes. Ce que ne comprenait pas Orphene. Elle trouvait cet univers trop sec et désert à son goût - bien qu’elle n’en ait connu que peu d’autres. A vrai dire…un seul. Elle ne s’en souvenait qu’à peine, elle n’avait alors que 6 ans. Elle visualisa un grand cercle de pierre creusé à intervalle régulier par des demi ronds. Elle et les autres membres de sa famille étaient entrés dans ces « creux » et tout avait tourné autour d’eux, comme si les murs de la pièce où ils se trouvaient s’étaient mis à danser.
Puis elle se souvint d’un grand cheval brun acajou, portant un tissu autour du cou, un ascenseur en verre montant incroyablement vite, une masse floue de créatures en tout genre. Elle ne se rappelait de rien d’autre , mais au moins deux choses étaient sûres : ce n’était ni sec ni désert ! Et elle aurait aimé vivre « là-bas » plutôt « qu’ici » ; bien que les termes de repère ne conviennent pas vraiment…
Elle se laissa glisser en arrière et soupira profondément. La lumière jaunâtre qui filtrait à travers le hublot n’avait rien à voir avec l’ovale brillant et chaud qui s’y tenait 3 mois en arrière. Par ennui plus que par véritable envie elle décida d’explorer les malles de la famille, voir s’il n’y avait pas là de quoi s’amuser ; bientôt elle était à genoux à côté d’un imposant coffre de bois protégé à son fond d’un tapis tressé et coloré. Entassés au sol se trouvaient divers objets hétéroclites qui ne l’avaient pas satisfaite, et elle continuait ses recherches ; sa main tomba alors sur un papier rectangle de couleur verte, brillant légèrement lorsqu’on l’exposait d’une certaine manière à la lumière – qu’était-ce donc ? – ses parents avaient du ramener ça d’une planète étrangère ou peut-être de la maison elle-même ? Elle descendit le papier à la main afin d’obtenir des explications. Occupés à nourrir ses deux petites sœurs ses parents ne répondirent pas tout de suite à sa demande.
Quelques instants plus tard :
« Que veux-tu Orphene ?
- Eh bien…quel est cet objet que j’ai trouvé dans la malle du grenier ?
- Oh ça ! Nous l’avons découvert sur une planète presque entièrement bleue. Les habitants qui y vivent ne font apparemment pas attention à ce qui les entoure car ils ne semblaient pas au courant de l’existence d’autres êtres ! Ils se pensent les seuls au monde, tu imagines ? De plus ils ne se rendent pas compte qu’ils détruisent leur planète, ils la polluent, cela en devient affreux ! Enfin, nous ne pouvons pas leur en vouloir, ils ne sont pas très intelligents…je dirais même primitifs ! S’exclama sa mère en riant.
- Oh, je vois. Et que signifie donc ce papier ?
- Il sert de monnaie d’échange chez eux…ils se battent pour l’avoir, ils font des guerres, des massacres pour ce bout de feuille ridicule ! Ils trahissent, tuent, maudissent, pleurent, blessent pour en être chargé.
- Les pauvres…je les plains ! Bon si ce n’est que cela…
- Pourquoi fouillais-tu dans la malle ? Tu espérais tomber sur un objet précieux ? Plaisanta son père.
- Je m’ennuyais…j’aimerais pouvoir voyager, visiter la maison ! Et même d’autres planètes ! Et je sais ce que vous allez dire, je suis trop jeune, je n’ai pas assez d’expériences et gnagnagna… Mais justement c’est en voyageant que je pourrais devenir plus mâture, n’ai-je pas raison ? »
Son père inspira puis reprit la parole :
« Tu n’as pas tort dans un sens. Tu es maintenant assez grande pour t’initier toute seule. Eh bien, si tu le souhaites, nous pouvons préparer ton voyage. »
La jeune fille en resta bouche-bée. Alors il suffisait de demander ? Et elle qui depuis des mois s’ennuyait à mourir ! Puis elle se reprit, un peu inquiète par ce brusque revirement de situation, serait-elle en mesure de le faire, était-elle assez forte ? Beaucoup de questions la bousculaient soudain, elle voulait réfléchir, avoir le temps de se préparer tant mentalement que physiquement.
« Ok ! Je veux bien voyager, mais accordez-moi une semaine. D’accord ? »
Ils acquiescèrent en souriant, enfin heureux que leur fille se décide. Ils n’attendaient que ça depuis plus d’un mois, sans se douter que de son côté, elle n’osait par peur de refus…
Fébrile Orphene avait sorti des réducteurs - valises à la taille modifiable, quels qu’étaient les objets se trouvant à l’intérieur, tout en ayant leur limite. Elle d’habitude si calme était si chamboulée qu’elle n’arrivait plus à les ouvrir. Quelle excitation de pouvoir enfin partir !
Elle se jeta sur son lit, prise d’étranges sentiments de faiblesse et de puissance qui se donnaient lutte acharnée en son corps et son esprit. Elle avait envie de rire et de pleurer et ses muscles, tendus à l’extrême, criaient d’actions…mais la fatigue qui l’envahissait, à force d’attente, la laissait hésitante, les yeux perdus dans le vague de la lumière grise qui poudrait son hublot. Bientôt elle n’en put plus de cet équilibre instable, de cette émotion troublée qui la taraudait depuis quelques heures voire quelques jours. La fin du délai était pour ce soir. Elle devait partir demain matin à l’aube afin de ne pas risquer son courage en voyant sa famille pour une dernière fois avant longtemps…son cœur, autant que son humeur, pulsait douloureusement dans son cou et ses oreilles, puis s’amollissait jusqu’à disparaître. Elle se releva d’un bond avant de s’effondrer, comme privée de jambe, sa tête lui tournait et un voile gris descendit brusquement sur ses yeux saphir. Elle attendit puis inspira longuement. Elle était prête. Demain, demain elle sortirait silencieusement par la porte jamais fermée de la pièce centrale et s’engagerait entre les maisons voisines qu’elle avait vu tant de fois, leurs volets encore clos dans un sommeil paisible. Les ruelles larges de gratitude lui manqueraient et les lanternes seraient des yeux familiers et tendres dans un dernier au revoir.
Elle se vit prolonger les murs amis, contourner un des multiples piliers de roc qui soutenaient la voûte terrestre avant d’arriver sur la grande esplanade qui menait à l’escalier de bois sombre. Ce bois si rare qui n’avait été utilisé que pour ces quelques rares marches…ce bois qu’elle avait vu tant de fois en espérant un jour y monter. Eh bien, c’était le moment ! Et elle levait la tête vers cette lumière incroyablement claire qui l’effrayait et l’attirait sans qu’elle n’ait jamais osé s’en approcher…on lui disait que le monde là-haut était brûlant et glacé, sec et désolé, inhabitable. Qu’ils s’étaient installés sous terre pour ne pas risquer la mort. Orphene ne comprenait pas encore une fois, pourquoi alors être venus ici ? Mais elle ne connaissait que peu de choses du monde extérieur et savait qu’il y avait un secret qui l’attendait mais qu’elle ne pourrait atteindre. Etrange. Ici les jeunes étaient laissés dans le mystère le plus complet et ils devaient d’eux-mêmes le découvrir. Bien qu’elle ait mille fois tenté d’écouter à la porte tandis que ses parents discutaient, elle n’avait pu grappiller la moindre information si ce n’est celles si banales qu’elles en devenaient inintéressantes.
La jeune fille, prise dans son rêve, ne se rendit pas compte qu’elle s’endormait…son cerveau la réveillerait à l’heure souhaitée.

Longuement elle observa les horizons, l’infini sans courbe, le monde dénué de toutes fioritures, le ciel crayonné de gris et la terre glacée. Elle était trop abasourdie pour oser ne serait-ce que murmurer et, machinalement, enserrait en sa main la petite perle que lui avait offerte sa mère il y avait si longtemps. Cet éther semblait former un couvercle au-dessus de sa tête pour se refermer sur un sol à la fois proche et lointain. Orphene relâcha son souffle pour porter son regard sur une montagne immense. Les perspectives s’effaçant dans ce monde absolument plat, elle ne savait à quelle distance elle se trouvait mais peu importait : jamais elle n’avait vu pareille architecture naturelle et les larmes vinrent piquer ses yeux – à moins que ce ne fut le souffle aride du désert. Cependant ce qu’elle ressentait face à cela n’avait pas de nom ; le secret, elle venait de découvrir le secret comme tous les jeunes passés ici avant elle et ceux qui passeraient après…un hommage à la lumière et aux couleurs ! Et elle comprit pourquoi est-ce qu’il n’y en avait pas autour…tout simplement parce que la montagne se les était appropriée…La jeune fille suivit des yeux l’escalier paraissant si fragile, grimpant audacieusement les côtes majestueuses du mont et, délicieusement, laissa son regard s’enfoncer dans les rayons nimbant le dôme situé au plus haut point. Cette coupole translucide diffusait tout autour d’elle des milliards de nuances toutes différentes, embrasant les nuages de fer et laissait couler de la lave en fusion verte, jaune, rouge, bleu…
« C’est magnifique » souffla t-elle dans un murmure. Sa voix se perdit aussitôt sortie de sa bouche, comme si même le son s’égarait dans cette immensité. Mais ce n’était pas vers là qu’elle devait se diriger, elle le ressentait au plus profond d’elle-même et commençait à comprendre pourquoi ceux qui revenaient n’y étaient jamais allés. Quelque chose, un sentiment nouveau, la poussait à se diriger vers l’opposé, là où il n’y avait, semblait-il, absolument rien qu’une grisaille sans fin.
Orphene ne chercha pas à résister et tourna les talons, sûre d’elle.
Succédant aux cailloux, une large bande de sable fit son apparition, bien longtemps après qu’elle s’en fut de chez elle. Epuisée, elle décida de se poser un instant sur ce sol un peu plus accueillant. Sa route avait croisé quelques toits, ici et là, des villages qu’elle n’avait jamais connus et ne connaîtrait sans doute jamais, mais qu’en savait-elle ? Ce mot n’avait pas de place dans son monde. Elle lâcha un peu trop brusquement ses deux réducteurs car ceux-ci rebondirent avec grand bruit, soulevant un nuage qui lui piqua les yeux. Soupirant, elle se déplaça plus loin, prenant garde cette fois à s’y installer précautionneusement ; il lui semblait que le vent ne soufflait plus depuis une éternité, le ciel était toujours désespérément plombé…et la montagne ne diminuait presque pas. Avait-elle fait le bon choix ? N’allait-elle pas mourir de faim, ici ? Et si les autres jeunes n’étaient que squelettes, tas d’os blanchis qui n’attendaient qu’elle…elle frissonna, chassant difficilement ces morbides images en secouant la tête. Non, décidément, il fallait qu’elle se reprenne, quelques-uns étaient revenus de cet « immense » voyage, ce périple « incroyable », ces chemins « inimaginables ». Ils avaient réussi à traverser ce fichu désert qui lui brûlait les yeux de le voir, quelques-uns…une minuscule part de tous ceux qui étaient partit. Tout comme Orphene maintenant, ils ressentaient le devoir de rester en ce monde affreux, au comparé de tout ce qu’ils avaient pu voir. Ce sentiment de gardienne lui enserrait le cœur, il était évident que ce mont, cette coupole étrange, inaccessible qui volait les couleurs alentours était un trésor inestimable. Elle ne savait cependant pas s’il leur appartenait. Songeuse, elle se rappela le clair soleil, l’odeur entêtante de mûres et d’herbe sèche lors de la « belle saison ». D’où venaient ces impressions si, au dehors, il n’y avait qu’un ciel éternellement gris, un sol sombre et des senteurs inexistantes ? Et lorsque par curiosité elle passait la tête au hublot de sa chambre, par beau temps, la lumière était telle qu’elle ne pouvait distinguer autre que cette lande poussiéreuse.
Perdue, la jeune fille fixa son regard sur l’unique point de couleurs chamarrées qui pulsait lentement à une distance de bras, à des millions de pas…
l’émotion revint comme à chaque fois qu’elle l’observait, avide de nuances, une impression presque douloureuse, mélange de tous ses sentiments.
Des mèches de cheveux vinrent chatouiller sa peau. La jeune fille tendit les bras, appréciant avec un immense sourire le vent bienfaiteur qui venait de se lever, gonflant des voiles de sable au raz du sol qui lui fouettaient les jambes. Elle sautait au-dessus, l’espoir se soulevant au même rythme dans son esprit et elle riait de cette fraîcheur tant attendue. Bien que le ciel reste sombre elle avait l’impression que l’environnement s’éclaircissait et sentait, enfin, qu’elle arrivait à destination. A destination de quoi ? Elle n’en savait absolument rien mais cela était forcément extraordinaire. Une bourrasque plus forte que les autres jeta des paillettes de roche dans ses yeux, la faisant grimacer. Elle ramassa les réducteurs, inspira, toussa et continua sa route sur le sable, se rendant compte bien vite que, si le sol était plus confortable maintenant, la progression était bien plus difficile.
Longtemps, longtemps Orphene marcha, fatigua, s’effondra finalement, à bout de souffle et de force. Ce n’était pas possible ! L’espoir qui lui était venu avec le vent s’était complètement dissipé, évaporé ! La jeune fille était allongée sur le dos et contemplait ce couvercle de nuages de fer, l’œil éteint. Elle songeait à sa famille, que faisaient-ils en ce moment ? Ses petites sœurs lui manquaient…leur manquait-elle ? Sûrement un peu, oh, elles étaient si jeunes, elles ne devaient pas faire très attention. C’était un honneur pour la famille lorsqu’un enfant partait à l’aventure.
Mais il y en avait-il à s’effondrer toute seule dans un désert après avoir marché pendant des heures et des heures sans rien trouver ?
Il lui sembla percevoir, à travers la grisaille, une forme sombre très connu qui la laissa abasourdie. Elle se frotta les yeux, perplexe, les rouvrit. La forme était toujours là, assez loin pour qu’elle pense que ses yeux lui jouaient des tours et assez proche pour que son esprit soit véritablement intrigué.
Empoignant ses valises, tremblantes, elle avança vers l'objet de son espoir les yeux fixés dessus et rien n'aurait pu l'arrêter. Enfin à quelques mètres – très subjectifs – elle fut obligée de croire ce que sa vue lui montrait, la forme sombre était bien...une porte. Et une porte ouverte.
Aucune hésitation lorsqu’elle ordonna à ses muscles de franchir le seuil tant espéré. Une légère inquiétude la tenaillait cependant suffisamment pour qu'elle cale une pierre entre le panneau et la porte, ainsi, toute envie de retour devenait possible. Le brusque changement d'air, de température et d'odeur entre ce monde et l'autre était si percutant qu'elle eu l'impression d'avoir traversé une barrière presque tangible. Comment était-ce possible ? Chez elle, après avoir ouvert le hublot du grenier en saison chaude, l'atmosphère extérieure ne se privait pas pour s'engouffrer en toute liberté et se marier à l'air de la chambre, envahissant chaque recoins de ses odeurs pétillantes. Mais voilà qu'à cet endroit...rien ne passait. Quel filtre pouvait donc être immatériel et agir ? La jeune fille songea que telle n'était pas la question, le lieu de son arrivée méritait encore plus son attention. Une légère fragrance marine baignait l'endroit, musqué d'orangers en fleurs mais elle ne pouvait la nommer, ne connaissant ni l'un ni l'autre ; puis elle comprit l'utilité de ne laisser passer aucun air du dehors...en s'avançant quelque peu dans cet étrange couloir irisé, elle put apercevoir un énorme gouffre remplit de milliers de bulles à la limite de s'envoler.
Les yeux grands ouverts, le vertige au bord des lèvres, Orphene progressa, petits pas par petits pas, jusqu'à l'extrême limite d'une chute qui lui semblait plutôt fatale. Et pourtant, tout cet univers brillant, coloré et agréablement odorant incitait au repos et à la décharge de soi, on prenait soin de vous, laissez-vous faire ! Voici ce que cela inspirait. Une enseigne assez grande pour qu'on ne la loupe pas des yeux, s'affichait à droite de la jeune fille, collée ou incrustée au « mur » ; elle indiquait que l'on pouvait sauter sans crainte dans ce trou sans fond qui se trouvait devant soi. Par image, bien entendu – comment écrire un message en milliards de langues différentes ? S'évasant comme un entonnoir géant, l'abîme ne permettait pas un sondage de sa profondeur, de plus les bulles instables troublaient la vue malgré leur relative transparence. Et elle pouvait sauter là-dedans ? Qui disait que ce n'était pas un passage direct vers la mort ? Ce qui expliquerait pourquoi nombre des jeunes gens partis de son monde n'étaient pas revenus. Mais les autres ? A moins qu'il y ait plusieurs sortie d'univers et qu'elle ne soit pas tombée sur la bonne...
« µ$dq%é,'!ù* ! » le mot lui avait échappé mais il était bien justifié : pouvait-elle se fier à une bête pancarte, à ces odeurs tranquillisantes et cette lumière apaisante ? Le pouvait-on vraiment au mépris de l'instinct de survie ? Orphene finit par décider que oui et recula afin de prendre un meilleur angle « d'envol »...au moment de sauter elle songea à ses parents, ses sœurs, et s'en voulut trop tard. La bulle qui l'engloutit ou plutôt l'engloba, absurdement la retint et elle se retrouva prisonnière à l'intérieur. D'un geste instable la jeune fille toucha ses parois souples, de consistance légèrement aqueuse et élastique, tout comme une bulle de savon ! Rien ne restait cependant sur ses doigts et elle finit par appréhender la suite des événements...se déplaçant tranquillement au milieu de ses consœurs, la bulle – lestée de sa passagère – s'enfonça vers le centre de l'entonnoir comme dirigée par un ordre mystérieux. Un courant la happa soudain et tout se mit à tourner si vite qu'une brève mais fulgurante nausée traversa l'estomac de son occupante ; suite de flashs colorés, l'univers finit pourtant par se stabiliser, laissant Orphene et sa bulle se poser tout doucement dans un autre monde. La paroi fragile éclata silencieusement et la jeune fille se retrouva « seule » et se sentit frisonner. Voilà qu'elle pataugeait dans une étrange bouillasse verte, épaisse et odorant fortement quelque chose de musqué, non désagréable. Un arbre – mais c'était la première fois de sa vie qu'elle en voyait – tordait sa ramure sous un vent imaginaire. Couvert de fleurs charnues, mauves, qui dégageaient un parfum si puissamment mélangé à celui du sol que la jeune fille du cesser de respirer quelques secondes, le temps de retrouver un peu d'esprit. Derrière elle s'effaçait l'horizon en flou brumeux, impassible paysage quasiment immobile...rien ne la tentait de partir de ce côté-ci : aussi loin que pouvaient porter ses yeux, aucune ombre n'indiquait une sortie, un chemin, une destination claire et indiquée.
Ses pas la menèrent donc naturellement à l'arbre d'écorce argenté et ce fut comme marcher dans une boue d'arc-en-ciel, une fondue d'iris ; arc-boutée sur ses jambes, espérant ne pas glisser malencontreusement, elle finit par l'atteindre et s'y appuya avant de reculer brusquement : glissant sous la main comme un gâteau trop ramolli, sa surface coulait en vague ! Elle jeta un œil à ses paumes, songeuse. Les huma puis y passa un rapide coup de langue avant de recracher dans une grande grimace ! « Bleee, c'est vraiment dégueulasse ! Absolument pas comestible. En plus, il commence à faire exagérément chaud. » Tout devenait désagréable, même l'air qui chauffait bien trop pour sa pauvre tête ; elle s'abrita comme elle put avant d'observer le ciel, un peu inquiète. Était-ce le soleil cette étrange boule jaune ? De là venait la sensation d'écrasante moiteur sans doute et pourtant elle eut la curieuse impression de devenir de plus en plus légère. Un trouble qui l'endormait et ne lui donna pas la possibilité de s'exclamer d'horreur en se voyant transparente...
Brume parmi la brume, Orphene s'évapora.
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